Paris, le 20 octobre 2022
Arte, chaîne de service public à vocation européenne, a fait le choix de diffuser, malgré les alertes, ce mardi 18 octobre, un reportage au montage fallacieux issus de théories antivax. Cette ligne éditoriale interroge sur le sens profond d’un tel reportage financé par le contribuable.
Entre responsabilité sociétale et liberté d’expression, la frontière est ténue pour les journalistes, trop ? Nous pourrions penser que la déontologie comblerait un gouffre que les réseaux sociaux ont continué de creuser ces 15 dernières années. Il ne s’agirait pas de responsabiliser les individus et les journalistes sur l’honnêteté intellectuelle de leurs contenus…
Que l’on s’entende bien : il n’est point question pour le journaliste de faire preuve d’objectivité, mais bien « d’honnêteté intellectuelle ». Et c’est là que le bât blesse ; la distorsion de la réalité du reportage réalisé par Anne Georget est telle qu’elle en devient dangereuse. Pour s’en rendre compte, il suffit d’observer un florilège d’affirmations fallacieuses ouvertement diffusées, sans contradiction : « les campagnes de vaccination de masse […] échouèrent dans la plupart des pays » peut-on y lire, ou « dans les populations où presque tout le monde est vacciné contre la rougeole, ceux qui contractent la rougeole sont ceux qui ont été vaccinés ». Ou : « ce sont les femmes qui se sont faites vaccinées contre les papillomavirus qui développent le plus de cancers du col de l’utérus ». Des assertions faussement scientifiques qui jettent un flou au sein d’une société qui parvient de moins en moins à dialoguer avec la science.
Exit la rationalité et le pluralisme. Ou l’art de manier avec dextérité les données officielles.
« Des vaccins et des hommes » relate des hypothèses qui s’appuient sur la concomitance d’évènements et sous-entendant de manière insidieuse, une causalité entre eux ; rappelons à Anne Georget que fiabilité des données, et fiabilités de l’analyse sont deux choses différentes. Sous des allures de rigueur, d’expertise et de volonté d’informer, on ne retrouve finalement presque que des données tronquées, extrapolées et interprétées avec des intervenants qui ne sont pas reconnus par leurs pairs et dont les affirmations ont été invalidées. Nous n’aurons donc rien appris de la massification de la désinformation durant la crise de la covid-19. La liberté d’expression se dévoie en liberté de désinformer mettant ouvertement des vies en danger.
Et l’Etat dans tout ça ? Pas d’inquiétude, il est vigilant dit-il. Pour autant, pouvons-nous dormir sur nos deux oreilles ?